Le chanteur évoque l'actualité : Dakar annulé, présidentielles américaines, droit à un toit, loi anti-tabac...

 

 

"On n'a pas fini de parler des mal-logés en 2008"

 

 

 

 

Le chanteur, qui aime venir pêcher à l'Isle-sur-la-Sorgue, espère notamment qu'en 2008, la barbarie, l'oppression, l'intégrisme et l'obscurantisme reculeront.

© VALERIE SUAU

 

 

 

 

Mister Renaud est un vrai chanteur populaire, avec plus de quinze millions de disques vendus. Mais c'est aussi un artiste dont l'œuvre et l'action collent à l'époque, y compris ses titres les plus anciens qui sont autant de coups de gueule salutaires. Il donne à La Provence une interview sur l'actualité de 2008 éclairée par ses chansons. Toujours énervé et lucide.

- "Dans la jungle". Ce titre, vous l'avez écrit pour Ingrid Betancourt. 2008 sera-t-elle l'année de sa libération?
Renaud : "J'en suis convaincu. La mobilisation internationale est trop forte. Sur les Farc qui viennent de faire unilatéralement de réels pas en avant mais aussi, enfin, sur Uribe qui commence à comprendre que sa politique guerrière ne mène nulle part. Et qu'il doit signer des accords humanitaires qui libéreront tous les otages et prisonniers de part et d'autre, Ingrid, hélas, probablement en dernier du fait de sa "valeur" symbolique."

- "500 connards sur la ligne de départ. " La décision d'annuler le Dakar a été prise vendredi. Pour vous qui dénoncez ce rallye-raid, c'est une bonne chose?
R. : Bien sûr. Pensez à l'ignominie que représentait le dispositif de sécurité en Mauritanie: ce pays avait mobilisé 4000 militaires pour "protéger" nos p'tits bobos-sportifs soi-disant amoureux de l'Afrique! Ils la méprisent, la polluent, la pillent, défoncent les pistes, laissent des tonnes de détritus et, parfois, écrasent des femmes ou des enfants sans que jamais un de ces criminels de la route ne soit inquiété!

Qu'ils s'amusent à aller faire leur pitoyable cirque en Corse, on verra, au bout de deux enfants écrabouillés, s'ils ne sont pas attendus au virage par des Kalachnickov! Le pire, c'est leur discours faussement humanitaire genre: "Nous sommes une chance pour l'Afrique!" Cette pseudo-aventure humaine est une honte pour les amoureux de l'Afrique et du sport auto-moto que je suis parfois.

"Arrêter la clope" est un vrai brûlot. L'interdiction de fumer dans les bars et les restaurants est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle?
R. : Une excellente nouvelle! Et la France est à la traîne par rapport à bien des pays. Pour ne parler que de moi, toxico grave, soit je ne fume plus (comme prévu) et dans un bar non-fumeur je ne serais pas tenté par la vision des fumeurs allumant leurs clopes. Soit je fume encore et ça me permet de fumer moins. Et d'enfumer moins! Je pourrai amener mon fils au bistrot et les employés non-fumeurs ne seront plus pollués passivement par nos clopes.

- Après les "Bobos", une chanson sur le "bling-bling" déjà à la mode avant le Président et ses Ray Ban?
R. : Je suis riche, jeune, dynamique, j'ai les plus belles Rolex et les plus belles gonzesses, votez pour moi, vous deviendrez riches et puissants aussi!" C'était ça le propos de Sarko. Et ça a marché. Même sur les classes populaires historiquement de gauche qui ne vont pas tarder à se rendre compte de l'escroquerie. La communication avant tout! À l'américaine! Son semblant de programme, c'est la démagogie, l'exclusion, le nationalisme, la victoire du fric, la peur et le repli sur soi.

Ce mec a joué avec les peurs des gens, monté les Français les uns contre les autres, jeunes contre vieux, villes contre banlieues, riches contre pauvres, Français "de souche" contre immigrés, travailleur honnête contre vilain chômeur-feignant, pauvre chômeur contre vilain sans-papiers ou SDF. Pauvre France! Des siècles de Lumières et de patrie des droits de l'Homme balayés par ce personnage cynique et sa politique."

- "À la Belle-de -Mai", "Fanny de la Sorgue ", vous avez planté vos racines dans des villes du Sud. Vous engagerez-vous pour les municipales même si vous avez chanté "le Tango des élus"?
R. : Dans cette chanson, j'exprimais la part libertaire de ma "philosophie intime". Mais je reste avant tout un citoyen amoureux de la politique. Donc je m'engage. À tous les niveaux, national, local, artistiquement, médiatiquement. Si je puis aider des candidats Verts, socialos ou cocos avec ma petite voix, je répondrais présent. Dans mon 14e arrondissement de Paris, l'Isle-sur-la-Sorgue ou Marseille. Je me plais à croire que mon soutien aux Verts et/ou aux socialos aux dernières législatives dans certaines circonscriptions qu'ils ont remportées haut-la-main ne fut pas inutile.

- "Dans mon HLM", "Banlieue rouge"... Logement et exclusion font partie de vos thèmes forts. Vont-ils encore faire l'actualité?
R. :
Le droit au logement devrait être le premier des droits de l'Homme en France. C'est là que l'individu peut se retrouver dans l'intimité familiale, aimer, travailler pour lui, se distraire, éduquer ses enfants, à l'abri de la fureur du monde. Malheureusement, les politiques d'exclusion, le manque de volonté de construire plus de logements sociaux, la ghettoïsation, les loyers prohibitifs jettent de plus en plus de familles soit à la rue soit dans la précarité.

On n'a pas fini d'en parler et de voir des mal-logés ou des pas-logés manifester dans l'indifférence générale. Imaginez le silence assourdissant de leurs plaintes sans des Enfants de Don Quichotte, des Balasko ou des Carole Bouquet."

- Les écolos du samedi soir" ne trouvent pas grâce à vos yeux. 2008 sera-t-elle cependant une année d'action pour l'écologie?
R. : Ceux des années 70, les babas cool qui retournaient à la terre en Ardèche, me faisaient un peu rigoler. Mais ils furent les précurseurs d'un mouvement de sensibilisation. L'opinion, 30ans trop tard, commence à prendre conscience des dangers pour les générations futures et la planète du gaspillage des ressources, des pollutions, de la déforestation, du réchauffement.

Ces dangers qu'avec mes potes de Greenpeace ou des Verts nous dénonçons depuis 25 ans, ce qui nous valait d'être traités de passéistes incurables. Avec cette idée craignos selon laquelle le développement des industries polluantes crée des emplois. Sarko, qui n'est pas à un projet démagogique près, nous offre un Grenelle de l'environnement qui accouche d'une souris et ne daigne pas recevoir les associations telles Kokopelli qui prônent l'agro-écologie ou celles de défense animale. Comme si seuls l'humain, l'eau, l'air et le végétal comptaient."

- "Manhattan-Kaboul", c'est le monde en version américaine. L'élection présidentielle peut-elle changer les États-Unis, faire qu'ils se penchent sur leurs problèmes sociaux plutôt que de gendarmer le monde?
R. : Un afro-américain ou une femme, tous deux démocrates, ne peuvent qu'améliorer l 'image déplorable que les Bush senior et junior ont donnée sur la planète de ce grand pays capable du pire comme du meilleur. L'élection de l'une ou de l'autre sera une bonne nouvelle pour l'Amérique et le reste du monde. Notamment pour l'Irak, pour ceux de Guantanamo, et pour tous les exclus du rêve américain."

- "J'ai raté Télé-Foot". L'Euro 2008, les JO, seront des moments forts. Les valeurs sportives vous touchent-elles? "
R. :
Le sport de compétition me dégoûte. Il ne porte que les valeurs de pognon, de haine de l'autre, de machisme, de racisme, de nationalisme, de trucage. C'est le nouvel opium du peuple. Même si le vrai (selon Marx), la religion, repointe son museau de plus belle!"

- "Rouge Sang". Allez-vous continuer votre combat contre la corrida?
R. : "De plus belle! En commençant par la probable interdiction prochaine de l'accès aux arènes pour les mineurs de moins de 15 ans. Quant à l'abolition pure et simple de la corrida (dont je comprends qu'à cause de la part de barbarie propre à chaque être humain, on puisse l'apprécier), elle est inéluctable. Si le 21esiècle se veut civilisé, ces traditions d'un autre temps sont appelées à disparaître.

- "Quel "Mistral Gagnant" pour vous en 2008? "Un p'tit frère à Malone?
R. : Faire reculer la barbarie, l'oppression, l'intégrisme et l'obscurantisme, et la libération de tous les êtres humains emprisonnés injustement."

 Renaud