Du mauvais ( et du très mauvais) papier du Figaro !

 

 

Titre  original:

Du bon (et du mauvais) usage du mot «facho»

Rouge sang, le nouvel album de Renaud, est aujourd'hui dans les bacs. Déjà, il a fait beaucoup parler; il fera beaucoup écrire. La vedette en est une électrice du « 93 », « aryenne jusqu'au fond des yeux », détestant « les jeunes qui vont à vau l'eau, les pédés, les bicots » et regrettant très fort le temps des colonies. Bref, une « facho ».

Pour titre à sa chanson, l'une des sept de l'album, Renaud a d'ailleurs choisi Elle est facho et, comme il lui fallait trouver une rime... riche, il a tout simplement écrit : « elle est facho, elle vote Sarko ». Cette « assimilation » faite, spontanément, mais volontairement, à l'enregistrement, Renaud assure dans une interview au Parisien qu'elle a fait « marrer tout le monde ». Fera-t-elle marrer les millions d'électrices et d'électeurs de Sarko, qui vont inévitablement se sentir assimilés ainsi à des « fachos » ?
 
Ce n'est pas évident. Il est vrai que le bon public paie souvent pour se faire engueuler, fait un triomphe à ceux qui dégradent famille, fric et société, qu'il aime ça et même en redemande, surtout lorsque l'artiste a le talent et la complexité de Renaud.
 
Docteur Renaud et Mister Renard est double, en effet. Il a écrit  Où c'est que j'ai mis mon flingue ?, chanson dont son biographe de frère dit qu'il s'agissait d'un « appel au meurtre », mais aussi la nostalgique Banlieue rouge, la vulgaire et médiocre Miss Maggie mais la très belle Morgane de toi... 
 
Ses amis s'inquiètent lorsqu'il suit sa pente... en descendant, et, soudain, il rebondit. On le trouve, alors, prenant la tête d'un vaste mouvement en faveur de la libération d'Ingrid Betancourt. Double et complexe Renaud !
 
Mais avec son « elle est facho, elle vote Sarko », entrant dans la campagne présidentielle, il vise le président de l'UMP dans l'espoir d'ébranler psychologiquement des millions d'électrices et d'électeurs. Et qu'importe la stupidité de l'image !
 
Dans son interview au Parisien, Renaud a eu cette phrase : « Je n'ai plus 15 ans. Je n'ai plus l'âge des slogans CRS-SS. » Justement !
 
A quinze ans, lorsque Renaud, comme tant de fils de bourgeois, courait de barricades en barricades et, dans les rues du Quartier latin, criait avec le choeur des copains : « CRS-SS », si le slogan était politiquement redoutable, il était odieusement caricatural. Les CRS de Mai 68 ne ressemblaient nullement, en effet, aux SS de mai 1944. Avec leurs munitions de pavés, les défenseurs des barricades, face aux SS, n'auraient pas tenu trente secondes et les manifs auraient immédiatement tourné à la fuite désespérée ainsi qu'au massacre.
 
Or, à Paris, faut-il le rappeler, il n'y a eu, pendant les violentes journées de Mai 68, aucun mort à déplorer. « CRS-SS » ne rimait donc à rien... mais ce slogan, historiquement ridicule, était une arme, dans la lutte contre de Gaulle, traité d'« assassin », et contre le gouvernement gaulliste.
 
Il en va de même du « facho, sarko » de Renaud Séchan, qui, du fascisme de droite ou de gauche n'a rien connu... S'il avait vécu ce passé criminel et tragique, peut-être - on peut espérer, ou rêver - peut-être se garderait-il, aujourd'hui, d'assimilations blessantes et fausses. Même pour les besoins de la rime !
 
Par Henri Amouroux* (de l'Institut)-  le Figaro.fr du 02 octobre 2006*

http://www.lefigaro.fr/debats/20061002.FIG000000331_du_bon_et_du_mauvais_usage_du_mot_facho.html

Renaud