Par Florian Cadu et Hadrien Matoux    http://www.sofoot.com/

Si les footballeurs étaient...

...des chansons de Renaud !

 

Épisode 1

Suite à son arrivée à Lorient, Pape Abdou Paye a choisi d'entonner Mistral Gagnant de Renaud pour son bizutage. Preuve que si l'auteur de J'ai loupé Téléfoot ne porte pas dans son cœur les footballeurs et les sportifs en général, l'inverse n'est pas forcément vrai. Et certaines de ses œuvres, qu'elles soient cocasses ou subversives, font étrangement penser à de célèbres acteurs du ballon rond.

 

 Dans l'article initial, les auteurs avaient mis en ligne les vidéos correspondantes aux chansons. Moi je me suis essayé à retrouver les joueurs dont  il est question dans les paragraphes !

(Par Florian Cadu et Hadrien Matoux    http://www.sofoot.com/ ... et SVPat)


 

1.1 Docteur Renaud, Mister Renard

Tout le monde a sa part d'ombre et de lumière, mais certains sont plus schizophrènes que d'autres. Dans Docteur Renaud, Mister Renard, Renaud livre une chronique de ses sautes d'humeur, de son lunatisme. Tout cela rappelle un certain joueur, capable d'enchanter les foules comme de complètement dégoupiller. Luis Suárez, bien sûr. L'attaquant du FC Barcelone, « moitié ange » quand il marque du milieu de terrain ou sur des reprises de volée venues d'ailleurs, « moitié démon » lorsqu'il inflige des morsures à Ivanović ou Chiellini. Suárez, son boulot, c'est de « séduire les gens, les marmots, pour amuser, pour émouvoir ». Mais malheureusement, en raison de ses excès, il est souvent dans le collimateur des institutions et « porte les croix sur son dos, des injustices les plus notoires ».
 

 

1.2 Hexagone

« Être né sous l'signe de l'Hexagone / On peut pas dire qu'ça soit bandant / Si l'roi des cons perdait son trône / Y aurait cinquante millions de prétendants. » Avec Hexagone, les Français s'en prennent plein les dents. Ils sont tour à tour qualifiés de « tocards », de « faux culs », d'« imbéciles » et de « moutons ». Exactement ce que pense Nicolas Anelka de la population du pays, qui « pleure tout le temps » et qu'il considère « hypocrite » ou « raciste ». L'attaquant à la quenelle n'aime pas la France, en témoigne sa carrière passée en majorité au-delà des frontières, et ne se prive pas pour exprimer son dédain envers sa contrée natale et ses habitants. Dédain justement retrouvé dans Hexagone. De là à vouloir « tous les voir crever étouffés de dinde aux marrons », il n'y a qu'un pas. Et quant à savoir si « le fascisme c'est la gangrène », il devra en revanche demander à son pote Dieudo.
 

 

1.3 Je suis une bande de jeunes + Laisse béton

 

Yoann Gourcuff est une bande de jeunes à lui tout seul. Isolé, solitaire, il est l'incarnation de la chanson de Renaud, dans laquelle le personnage s'imagine une vie dans un groupe composé de lui seul. Yoyo ne se fend pas la gueule, mais il préfère la jouer en solo. Il a « groupé toutes {ses} connaissances intellectuelles » dans le monde du foot, et depuis, il fait bande à part. Et quand il cherche la camaraderie, quand il tente une approche vers Franck Ribéry et ses copains, il se voit toujours rétorquer : « Arrache-toi d'là, t'es pas d'ma bande / Casse-toi tu pues, et marche à l'ombre ! ».
 

 

1.4 La ballade nord-irlandaise

L'hymne de paix selon Renaud. Enregistrée pour l'album Marchand de cailloux qui sort en 1991 pendant la première guerre du Golfe, La ballade nord-irlandaise est représentative des valeurs anti-guerre revendiquées par le chanteur. Un militantisme partagé par le Brésilien Socratès, qui souhaite en finir avec la dictature militaire au pays. Si Renaud veut « planter un oranger / Là où les arbres n'ont jamais donné / Que des grenades dégoupillées », le milieu offensif met carrément en place une « Démocratie corinthiane » au sein du club des Corinthians, c'est-à-dire un système d'autogestion dans lequel les joueurs participent directement à toutes les décisions. L'objectif : « Lutter pour la liberté et pour changer le pays ». Comme dans La ballade nord-irlandaise, Socratès parviendra à « faire pousser les fruits sucrés de la liberté » avec son mouvement. Et deviendra lui aussi un symbole pacifique.
 

1.5 It is not because you are

Fait unique, Renaud choisit dans cette chanson de manier la langue de Shakespeare... pour moquer l'anglais approximatif des natifs de l'Hexagone, dont l'accent et les tournures de phrase trahissent invariablement l'origine. Jacques Santini a vécu ce sentiment de honte lors d'une conférence de presse absolument légendaire pour son intronisation en tant qu'entraîneur de Tottenham. « Aille ame véri api tou bi inne ze big cleub toténe hamme », a-t-il lâché en guise de mantra. Difficile de ne pas imaginer ce bon vieux Jacques draguer une Anglaise à la manière de Renaud : « And I put a spell on you / And you roule a pelle to me ».
 

1.6 Manu

Des adieux et des larmes. Manu, c'est l'histoire d'un mec, en apparence dur et sans cœur, qui se fait larguer sans ménagement par sa nana. Le pauv' vieux n'en finit pas de déprimer et noie son désespoir dans les bars et l'alcool. Cette aventure, c'est celle de Sylvain Distin avec Everton. En cette année 2015, le Toffee qui partage la vie de sa dulcinée depuis six ans ne comprend pas pourquoi sonne la fin de cette idylle amoureuse. Pire, il ne sait pas comment reconquérir l'élue de son cœur. Mais au contraire de Manu, Sylvain ne déconnera pas très longtemps en pigeant qu'« une gonzesse de perdue / C'est dix copains qui r'viennent » sur la pelouse. Il retrouvera une nouvelle compagne nommée Bournemouth. À voir maintenant si « elle (aura) la migraine / Dès qu'elle (sera) dans (son) pieu ».


 

1.7 C'est mon dernier bal

L'histoire du dernier bal est celle d'un castagneur, un hooligan à l'ancienne qui n'aime rien de mieux qu'une bonne bagarre pour clôturer une soirée. En guise de « dernière virée », quoi de mieux qu'une baston ? C'est bien ce que doit penser Joey Barton. Parmi ses faits d'armes, un cigare écrasé dans l'œil de Jamie Tandy, le passage à tabac d'Ousmane Dabo, un coup de poing à Morten Pedersen, un genou dans le dos de Sergio Agüero... Bad boy atypique, Barton aime se dire que « Demain dans le journal / Y aura (son) portrait ». Jusqu'à ce qu'il s'en reçoive une ? Après tout, « dans la vie mon p'tit gars / Y a rien de plus dangereux que de se faire tuer ».
 

 

1.8 Putain de camion

19 juin 1986. 16 heures 30. La moto de Coluche percute un camion, achevant précipitamment la vie du célèbre humoriste, à seulement 41 ans. À peine quelques jours plus tard, Renaud met sa tristesse au service de sa plume et griffonne quelques lignes en hommage à son pote parti trop tôt. Ce qui aboutit à Putain de camion, chanson emblématique pour les amoureux de Coluche. Une histoire qui fait penser à Bobby Charlton, le Mancunien des années 1960-70. Miraculé du crash d'avion du 6 février 1958, qui est à l'origine de 21 décès dont huit joueurs de MU, l'Anglais devient le symbole d'une génération marquée par l'accident. Présent à de nombreuses commémorations, Sir Bobby s'attachera à faire respecter le devoir de mémoire par ses mots et ses souvenirs. « Putain j'ai la rage / Contre ce virage / Et contre ce jour-là. »
 


Épisode 2

2.1 Société, tu m'auras pas !

LA chanson antisystème par excellence. Avec sa voix criarde et ses punchlines bien senties, le foulard rouge démonte une société égoïste, injuste et corrompue, tout en affirmant que lui, l'insoumis, restera un artiste contestataire et qu'il ne tombera pas dans ces vices immoraux. Cet esprit de révolte totale rejoint évidemment celui d'Éric Cantona, rebelle parmi les rebelles, qui a fait de son insubordination une marque de fabrique. Éric the King tire souvent le premier, vise toujours au bon endroit, crie sur tous les toits. Comme cette fois où il appelle à boycotter les banques : « S'il y a vingt millions de personnes qui retirent leur argent, le système s'écroule. » On pourra quand même objecter aux deux bonshommes d'être aussi tombé dans l'argent facile : l'un possède un sacré contrat avec Nike, la marque capitaliste par excellence, et l'autre a terminé par des albums boostés à la grosse couverture médiatique.

 

 

2.2 Mistral gagnant

Mistral gagnant raconte la nostalgie des souvenirs passés, la mélancolie du temps qui passe et devient insaisissable, perdu pour toujours dans les limbes de notre mémoire. Mistral gagnant, c'est l'histoire de Juan Román Riquelme, un artiste qui appartient au football d'une époque révolue, et évoque le temps où l'on pouvait compter sur ces enganche à l'ancienne, tête levée, technique soyeuse, immobiles au centre du terrain pour mener le jeu de leur équipe. Les petits ponts et les caviars distribués par Riquelme sont les caramels à un franc et les roudoudous qu'évoque Renaud dans sa chanson, le Mistral gagnant étant la confiserie de son enfance. Une époque à jamais perdue ? Peut-être, mais « il faut aimer la vie, et l'aimer même si le temps est assassin ».

 

 

2.3 Le déserteur

« Monsieur le président, je suis un déserteur / De ton armée de glands / De ton troupeau de branleurs / Y z'auront pas ma peau / Touch'ront pas à mes cheveux. » Version remasterisée de la chanson de Boris Vian, Le déserteur made in Renaud se veut plus violent. Et comme Fernando Redondo, il n'entend pas partir à la guerre défendre son pays. À partir de 1994, le joueur refuse catégoriquement de rejoindre ses compatriotes argentins dirigés par Passarella. Le commandant de l'Albiceleste, qui a décidé de transformer la sélection en commando, interdit le port des cheveux longs. « On a calculé qu'un joueur aux cheveux longs se les réaccommode près de cent fois par match et qu'il perd donc sa concentration », explique-t-il. Trop de rigueur et de bêtise pour l'élégant Redondo, qui ne perdra pas une boucle et qui ne prendra pas les armes en France pour la Coupe du monde 1998. Pas une première pour l'ancien Madrilène : ce dernier avait déjà envoyé bouler Carlos Salvador Bilardo pour continuer ses études universitaires. Les raisons sont toujours bonnes pour déserter.


 

2.4 Mon beauf'

Mon beauf', c'est l'histoire du beau-frère cauchemardesque : idiot, violent, facho. Le genre de type qu'on n'a pas envie de fréquenter, et surtout pas sur un terrain de foot. Un peu comme Vinnie Jones, le défenseur complètement taré de Wimbledon dans les années 90, qui a glissé ces doux mots à l'oreille de Paul Gascoigne : « Je m'appelle Vinnie Jones, je suis un gitan, je gagne beaucoup de fric et je vais t'arracher l'oreille avec les dents puis tout recracher dans l'herbe. » Toujours sur un fil, patibulaire et menaçant, il est « presque à la limite du hors-jeu », le beauf'. « Le jour où les cons seront cuisiniers / C'est lui qui préparera les sauces », mais il faut bien se le farcir en attendant.

 

 

2.5 Morgane de toi

Le papounet qui parle. Morgane de toi, c'est une véritable ode à l'amour paternel. Trois couplets et un refrain qui range le blouson de cuir pour laisser place au tendre Padre, complètement fou et gaga de sa petite. Un profil qui rappelle un peu Diego Maradona, prêt à défendre ses filles en toutes circonstances. Si celles-ci ne s'appellent ni Morgane ni Lola, elles peuvent compter sur leur gros papa, qui tient à ses mômes comme à la prunelle de ses yeux. Régulièrement vues bras dessus bras dessous avec le daron, leurs caprices ne sont jamais refusés. C'est par exemple elles qui ont forcé Diego à revêtir un beau costard lorsqu'il était sélectionneur de l'Argentine. C'est aussi en partie pour ses gamines qu'il s'est décidé à arrêter la came. El Pibe de Oro s'est même brouillé définitivement avec son ancien agent Guillermo Coppola, lequel lui aurait « volé l'argent de ses filles ». Et quand l'une d'elles a donné faim à un p'tit mec nommé Agüero, Marado est encore dans la place pour la protéger une fois la love story terminée : « C'est un lâche, je ne veux même pas prononcer son nom. Je ne vais pas comme lui aux réunions avec les avocats pour dire "Je suis courageux". » Car Diego « les connaî(t) bien les playboys des bacs à sable / (il) draguai(t) leurs mères avant d'connaître la (leur). »

 

 

2.6 Salut Manouche

André-Pierre Gignac fait partie de cette petite confrérie de footballeurs issus de la communauté des gens du voyage. Il est d'ailleurs le cousin de Jacques Abardonado et Yohan Mollo. Dans Salut Manouche, Renaud parle de ces Gitans, qui comme Gignac, trimbalent toute leur smala avec eux dans leurs déplacements : « Toi, ta famille, tes chiens, tes mômes / Tes copains, tes frangins, tes poules / C'est comme une grande bouffée d'ozone. » Impossible de ne pas voir le parallèle avec la fratrie Gignac, qui accompagne APG au Vélodrome comme au Mexique. Heureusement, le nouvel attaquant de Tigres a peu de chances de retourner « bientôt aux Baumettes ». A priori.

 

 

2.7 Dès que le vent soufflera

« Je f'rai le tour du monde / Pour voir à chaque étape / Si tous les gars du monde / Veulent bien m'lâcher la grappe / J'irai z'aux quatre vents / Foutre un peu le boxon / Jamais les océans / N'oublieront mon prénom... » Non, Zlatan Ibrahimović n'est pas un marin. Mais il aime bien voyager et mettre un peu de bordel partout où il passe. Malmö, Amsterdam, Turin, Milan, Barcelone, Paris… Ibra laisse une trace à chacune de ses escales. De sorte que tout le monde se rappelle du Z, jusqu'à voir son prénom dans le dico ou se marrer devant une marionnette à son effigie. Toujours chaud pour une nouvelle aventure, toujours prêt pour une nouvelle expédition, Zlatan repartira dès que le vent soufflera. Et s'en ira dès que les vents tourneront. Du côté océanique pour exercer ses talents ?

 

 

2.8 Amoureux de Paname

Amoureux de Paname est la première chanson du premier album de Renaud. Le chanteur y affirme directement son identité : il envoie balader « les ringards, les écologistes du samedi soir » et clame son amour de la capitale. Paris, il l'aime, même avec ses prétendus défauts : « Moi, j'suis amoureux de Paname / Du béton et du macadam / Sous les pavés ouais, c'est la plage / Mais l'bitume c'est mon paysage ». Tout comme un certain Pedro Miguel Pauleta, qui a enchanté l'enceinte de béton qu'est le Parc des Princes pendant cinq saisons, devenant le meilleur buteur de l'histoire du club. Paname se morfond en bas de tableau, traverse la pire crise de son histoire ? Pauleta « ne (se) parfume pas à l'oxygène, le gaz carbonique, c'est (son) hygiène. » Amoureux de Paname, toujours.
  

 

Renaud