2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 15:09

 

Crève salope! par Grégory Protche

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Crève Salope ...

 

 

 

               

En 2004, dans le journal Tant pis pour vous, j'avais pondu

un article un peu rosse sur cet amour d'enfance décevant.

Quelques pavés dans la gueule de Renaud en était le titre.

On trouve le texte encore en ligne.

 J'avoue ne pas l'avoir relu depuis des années.

 

 

 

 

A l'époque, le libertaire, le démocrate, l'anarcho-mitterrandiste, au lieu de répliquer à ma charge ou de l'ignorer, répondit par un procès.

 Et pas pour l'honneur : le tremblotant très mince nous demandant 15 000 euros.

La classe, donc.

 

Un certain nombre de journaux se firent les échos moqueurs de l'affaire. Le Canard enchaîné, Libé (historique ennemi du Séchan), le Nouvel obs... Et lui de leur répondre ! Pour mieux nous insulter encore.

Le bête était blessé.

 

Je reçus un long coup de fil de soutien et d'encouragement de Guy Béart - et un, plus bref, heureusement, de Guy Carlier. Béart nous invitera même, avec mon acolyte, mon co-rédacteur en chef Karim Boukercha, à Garches, dans son palais.

Grosse impression. Un morceau de l'escalier de la tour Eiffel dans le jardin. Une piscine pas olympique mais presque. Une maison pour le gardien.

Béart parlait, écoutait et fumait beaucoup. Il voulait savoir sur qui ensuite on allait fondre. Fogiel, Ardisson... "Vous n'oserez pas attaquer Drucker. C'est pourtant lui le plus méchant." Disons que pour nous, Drucker, c'était surtout le plus rincé, la plus périmée des cibles, la télé en train de se faire interneter. Béart - et j'adore l'idée qu'à mon tour je me livre à cette pratique assez discutable - accusait surtout Drucker d'avoir bâti sa légendaire carrière en faisant parler les morts, leur prêtant des phrases flatteuses à son endroit.

En nous reconduisant, il nous a demandé ce qu'il pouvait faire pour nous aider.

A part nous donner de l'argent, pas grand chose, a répliqué Karim. Il ne pouvait pas, évidemment.

Me Vergès avait écrit dans le premier numéro de Tant pis pour vous - une défense du ministre irakien des Affaires étrangères sous Saddam Hussein, le Chrétien Tarek Aziz.

 

Aussi, avec Karim, ne sachant trop comment recevoir cette plainte, quelle attitude adopter - profil bas ou reprise de volée dans le scandale ? - et donc comment nous défendre, nous nous rendîmes rue de Vintimille pour demander au "Patron", ainsi que l'appelait affectueusement sa collaboratrice Françoise Bloch, sinon de nous conseiller - le droit de la presse n'était pas sa spécialité -, au moins de nous indiquer un confrère à aller voir.

En nous ouvrant, Françoise nous a souri comme si nous étions deux garnements. Et Vergès, en nous faisant servir les cafés très serrés qu'on buvait chez lui, comme si nous étions dépucelés. Il a très vite lancé le nom de l'avocat à aller voir de sa part. "Hein, Françoise, vous voyez ça avec Luc ?" Je me rappelle avoir pris mon élan, respiré un grand coup, avant d'informer Vergès que nous étions dans l'incapacité totale de payer un avocat.

- Vous êtes insolvables ?

 

On était mieux que ça : on était pauvres. Mais on avait rendez-vous avec une star du Barreau, envoyés par une autre star du Barreau. Me Luc Brossolet - que les Vergésiens connaissent pour sa contribution à Noir silence et blancs mensonges -, défenseur par ailleurs et entre autres de Voici et Gala ! Rien que ça.

 

Après lecture du texte et de la prose de son confrère, Brossolet, sans la moindre fanfaronnade, nous expliqua pourquoi et comment nous allions gagner.

La partie adverse avait mal troussé son assaut.

Il convenait d'attendre les 90 jours de rigueur, à l'issue desquels Renaud serait infailliblement débouté et la plainte enterrée.

Pas plus.

D'ici là, à condition de ne pas déconner trop près de leur erreur de rédaction, on pouvait utilement alimenter une polémique pour nous tombée du ciel.

 

Les fans de Renaud n'en finissaient plus de me honnir sur les forums. Romane Serda, alors très amoureuse, n'était pas la dernière à m'insulter, convaincue de me débusquer derrière chaque pseudo à discours déviant. Et trois mois plus tard tout se passa comme prédit par Brossolet.

 

Peu désireux d'être à vie le mec à qui Renaud a fait un procès, une fois l'affaire éteinte, j'ai gardé pour moi le plus souvent ce que m'inspirait son destin. Et continué d'écouter ses disques Polydor en m'énervant contre ceux qui l'aimaient bêtement et ceux qui l'attaquaient tout aussi bêtement...

 

On sait tous qu'à l'instar de François Hollande et d'une caisse d'autres personnalités, Renaud a un papa fâcheux. C'est certes une des clés de son oeuvre, mais vraiment pas ce qu'on a spontanément envie de lui jeter à la gueule. Il vieillit mal ? Comme la gauche, la droite, le centre, l'extrême-gauche et l'extrême-droite. Il préfère le slam au rap ? C'est un parigot pas un banlieusard. Sa fille a fait du chanteur pro-palestiniens un repenti ? Il avait fait d'elle, enfant, une sentimentale pro-palo malgré elle.

 

En 2016, à l'occasion de sa nouvelle renaissance - artistiquement la pire : écriture indigente (pas une bonne vanne ou un bon vers), compos parodiques, voix dégueulasse, interprétation pénible -, Renaud revient sur l'exécution des membres de Charlie Hebdo et celle des clients de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Notamment avec J'ai embrassé un flic.

 Le nombre d'articles qui s'étonnent, s'amusent et s'émerveillent de découvrir ce Renaud nouveau, si meurtri-blessé-touché par les évènements que non seulement il a été marcher avec les millions d'amis d'Emmanuel Todd le 11 janvier 2015, mais, en plus, tenez-vous bien, ce jour-là : il a même embrassé un flic !

 

C'est pourtant pas la première fois que Renaud embrasse un flic. En 1994, il commettait une chanson, La ballade de Willy Brouillard, pas nulle d'ailleurs, dans laquelle, derrière l'ironie libertaire, déjà, il s'interrogeait justement sur la similitude d'extraction prolote entre les barbares et Willy Brouillard, qui "entre deux galères", avait choisi "celle où tu bouffes". Qui "quand il était petit voulait faire gardien de square comme son grand-père" et finalement "protège l'Etat, les patrons, ceux qui refourguent de la came aux nistons".

 

Plus près de nous, en juillet 2004, dans son Droit de réponse à l'article de Loupias au sujet du procès qu'il prétendait nous intenter, il espérait de tout son coeur "que la justice, à laquelle je fais appel pour la première fois en trente ans, me donnera raison et que les 15 000 euros que je réclame à l'auteur de l'article me seront attribués. Sachez qu'ils seront immédiatement reversés à l'association Orphelinat mutualiste de la Police nationale que je soutiens financièrement. Je vous rappelle que Tant pis pour vous m'a traité de "répugnant, sale, réac blasé, raciste, suceur de prolos", j'en passe et des meilleures. Je me demande quelle réponse apporter à de tels propos qui portent atteinte à ma dignité et à mon honneur et me contre-fous de porter atteinte au portefeuille de ces écrivaillons haineux qui m'ont insulté de manière diffamante comme aucun brûlot de la presse d'extrême droite ne se l'est jamais permis. Bien à vous... RENAUD"

 

Mes Quelques pavés dans la gueule de Renaud s'achevaient par l'évocation culpabilistrice d'Où c'est que j'ai mis mon flingue, un de ses hymnes oldschool. Si je devais le réécrire aujourd'hui, je remonterais plus loin dans son oeuvre. Aux sources. La toute première chanson qu'il a écrite et interprétée, sobrement intitulée : Crève salope !

 

 Grégory P.
PS : on passera charitablement sur l'emprunt à vomir de vulgarité au sublime Petit jardin de Lanzmann & Dutronc, dans Hyper Cacher.

 

 

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