Tocsin d'enfer

 

        Renaud, va falloir que tu m'expliques. Qu'est ce qui te prends en ce moment. C'est quoi le boucan d'enfer qui grelotte dans ta chetron sauvage ? Pourquoi ce silence et surtout pourquoi cette interdiction de toute interview avec les journalistes. Avec eux soit, mais avec moi, merde, c'est pas sérieux !

        Parce que si tu veux tout savoir, j'ai sûrement fait plus de chroniques sur toi alors que tu restais muet comme les carpes de tes étangs favoris, que sur un autre artiste qui sortait des albums. J'étais corps et âme dévoué à mon Séchan. Attendant patiemment de tes nouvelles discographiques ou scéniques. J'ai bien eu la chance de te voir avec ton piano et ta guitare mais cela ne me suffisait pas. Pas totalement.

        Pis v'la que tu reviens. Que tu ponds certainement ce qui se fait de mieux en matière de chanson française. Et tout ça éméché au Pernod-Ricard, c'est dire quel niveau tu pourrais atteindre à jeun. Tu te contentes pas de me plaire, tu me fais pleurer. Comme sur «  Marchand de cailloux », je retrouve un Renaud usé, abattu mais vivant. Avec sa verve et son accablement sur la race humaine. Moi j'écris à quel point on peut t'aimer. Je suis fier que tu viennes foutre quelques coups de pieds au cul de tout ce que je combat. C'est vrai je suis un peu fatigué aussi, seul contre tous. A deux c'est mieux. Comble du bonheur tu refais une tournée. Dans des Zénith monstrueux certes, mais encore trop petit pour ton succès mondialement consacré.

        Tu as fait de l'ombre au vioque Bruel des années 30 et tu as complètement bâillonné la nouvelle scène française (Patrick Fiori, Pascal Obispo, Jean-Pascal) en leur montrant ce qu'ils ne pourraient jamais avoir : du talent.

        Tu es pour moi Evangile. Quand tu dis : je fais. Tu ne te rappelles certainement pas, mais je me souviens d'un petit poulbot de province qui s'était permis d'envoyer ses « écrits » à son idole et celui-ci lui avait répondu : « continue petit ».

        Grâce ou à cause de toi j'en suis arrivé là. Peut être que sans toi je serais parti m'enliser dans les hautes écoles de commerce, peut être me serais je consacré à la vie de petit cadre dynamique cherchant grande entreprise à sa mesure, mais non, j'ai persisté dans l'écriture musicale pour avoir une chance de te rencontrer plus longuement quand je serais grand.

        Et voilà j'y suis. Je suis marié, père, heureux, mais frustré.

        Que tu ne veuilles pas te compromettre dans les médias soit, mais alors explique moi pourquoi Michel Drucker et surtout pourquoi : NRJ Music Award ! Là je comprends plus. Sur TF1 en plus. C'est l'alcool, t'étais bourré ?

        Bon je vais pas faire trois pages sur ce petit coup de canif dans notre contrat de vie. Parce que même si tu t'en rends pas compte Renaud, t'as des obligations. Désolé. Tu peux pas nous « engourouté » dans ta secte et pis nous laisser tomber comme des vieilles chaussettes.

        Alors écoute, on efface tout et on recommence. Tu viens bientôt dans ma région, tu m'appelles, on se tape une choppe sur le coin d'un zinc et on cause de tout et de rien. Du monde qui va mal, de ta vie qui va mieux, etc.… Tu verras je suis pas plus con qu'un journaliste de Télérama. Je dirais même que je pourrais faire mieux. Parce que tu vois Renaud, dans mon bistrot préféré, il y a tout ceux dont tu causes si bien. Mais il y a toi aussi dans le mien. Et j'aimerais bien te rencontrer avant que la grande faucheuse nous appelle l'un ou l'autre auprès de Fallet et d'Audiard.

jeudi 6 février 2003, par P.Deren.@wanadoo.f   http://www.e-terviews.org/mague/article.php3?id_article=159

Renaud