Combattre l'alcoolisme : 
 la thérapie la plus efficace,                          c'est le groupe d'entraide
Par Pierre 
Veissière     psychosociologue
L'alcoolisme est une maladie 
dont on ne guérit pas. Mais pour mieux la vivre, il convient de s'arrêter de 
boire non pas ponctuellement mais sur une longue durée. Le groupe d'entraide 
offre une chance de maintenir l'abstinence.
Quand on envisage un sevrage, 
le mieux est de prendre contact avec un centre d'alcoologie, un "Centre de soins 
d'accompagnement et de prévention en addictologie" , ou avec une association 
d'entraide. 
En tout cas cesser d'essayer 
d'arrêter de boire tout seul dans son coin : c'est un effort très pénible et, le 
plus souvent, voué, répétitivement, à l'échec.
Le soutien médical permet un sevrage, hospitalisé ou ambulatoire c'est à voir 
pour chaque cas, dans de bonnes conditions de sécurité. L'état général est 
traité, l'angoisse calmée, la dépression éventuelle aperçue.
Le sevrage n'est 
pas une cure en soi
Mais le sevrage, même 
hospitalier, n'est pas une cure en soi et ne résout rien à terme : c'est 
seulement "une vidange", le pied à l'étrier.
Le problème n'est pas 
seulement d'arrêter, mais de continuer à arrêter de boire. 
Ce qui est très difficile 
dans la durée, compte tenu des changements d'humeurs inévitables et des émotions 
ressenties qui provoquent, chez le nouvel abstinent, de violents appels d'alcool 
(craving). Si l'on est isolé, la reprise de consommation est quasi inévitable, 
même avec une volonté de fer.
Pour qu'un alcoolique aille 
bien, longtemps, il faut qu'il cesse de boire complètement, qu'il devienne 
abstinent. Alors il peut soigner son psychisme en se souvenant de ses décisions, 
de ses découvertes, des mesures à prendre, sans tout remettre en cause, une 
énième fois, sous l'effet de l'alcool, et repartir, toujours, de plus bas.
Il existe beaucoup d'aides : 
les CSAPA déjà cités, avec médecins attachés et psychothérapeutes, son propre 
médecin s'il est familiarisé avec l'alcoologie (ce qui n'est pas toujours le 
cas).
La thérapie la plus 
efficace : le groupe d'entraide
Les psychothérapies 
extérieures sont légion : thérapies cognitive et comportementale,
la programmation neuro-linguistique, psychanalyse,
méditation… elles peuvent toutes apporter un complément utile au soin 
de l'alcoolique. Mais, en dehors des TTC (  thérapies 
comportementales et cognitives  qui ont pour but de modifier un 
comportement qui gâche la vie de la personne=), elles n'ont rien de spécifique pour le problème alcoolique proprement 
dit, qui est tout de même une dépendance spéciale, ni un symptôme, ni une 
addiction assimilable à n'importe quelle autre.
Ce qui s'est révélé, depuis 
longtemps, être le soutien thérapeutique le plus efficace est le groupe 
d'entraide. Bien plus que de suivre seulement une psychothérapie individuelle. A 
un an, il offre deux chances sur trois de maintenir, ou d'acquérir, 
l'abstinence.
Nuançons : beaucoup 
d'alcooliques ne s'arrêteront pas de boire avant leur mort, 
certains rechutent fréquemment, et une fraction peut se sentir encore plus mal 
abstinente que dans l'alcool.
Il n'empêche que deux tiers 
d'alcooliques qui peuvent s'arrêter durablement de boire, quand ils sont 
informés de leur maladie, et qu'ils utilisent le moyen le plus efficace de s'en 
sortir, le groupe d'entraide, c'est une espérance, fondée, considérable. Il ne 
s'agit pas de négliger les autres apports mais de bien voir que c'est la 
thérapie la plus aidante, et qu'elle est spécifique.
Se sentir en 
confiance sans alcool
C'est la plus à même de 
fournir aux alcooliques l'expérience, le soutien moral constant, la 
disponibilité, les bases de l'indispensable identité nouvelle. Comment bien 
vivre, sans boire d'alcool, dans une société où il est omniprésent, sans se 
sentir en danger mais en confiance, comment gérer ses relations à autrui, ses 
émotions et sentiments, ses objectifs de vie sans le moindre recours à l'alcool 
? Réponses dans le groupe d'entraide.
La prévention initiale de 
l'alcoolique à son encontre vient d'une déformation psychologique : au cours du 
temps l'envie et la capacité de communiquer se détériorent, l'alcoolique se 
renferme, et veut s'en sortir seul. Les médecins ne devraient pas prendre cette 
réticence pour argent comptant. Ils devraient insister, prescrire le groupe, et 
le considérer comme un de leurs instruments de soin.
L'alcoolodépendance est une 
maladie qui s'enraye, mais qui ne guérit pas. Le péril primordial peut 
réapparaître à chaque instant. L'outil principal adapté à la contenir, et à bien 
vivre avec elle, existe.