Et alors !  

 

 

 

D’Hexagone (1974) à J’ai embrassé un flic Renaud (2016), merci l’artiste !


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Certains journalistes, et notamment ses vieux « amis » de Libération qui n’ont eu de cesse de dénigrer et conspuer l’artiste depuis ses débuts, s’offusquent que Renaud l’anarchiste puisse s’ériger en défenseur de la police dans sa chanson J’ai embrassé un flic.

Comment celui qui en 1974 la fustigeait dans le brûlot Hexagone, traitait sans scrupule les flics d’assassins, peut-il aujourd’hui faire le buzz avec une chanson un peu mièvre, facile et dans l’air du temps à la gloire des forces de l’ordre?

Le débat est d’autant plus vif que ces vers trouvent fortuitement une résonance dans l’actualité brûlante de ce printemps 2016 où une mouvance « anti-flic » primaire et vraisemblablement télécommandée fait de Paris le théâtre de scènes de violence inacceptables à l’encontre de la gente policière.

La posture de Renaud est certes surprenante.

Elle peut agacer certains par la communication parfaitement huilée qui accompagne le retour du chanteur. Rien n’est laissé au hasard, l’image est travaillée dans les moindres détails. Il en va ainsi du clip de J’ai embrassé un flic où l’artiste, arcbouté sur ces deux guiboles au centre d’une petite place typiquement parisienne, prend la pose. Sound machine posée parterre, on le retrouve chanteur de rue, à mi-chemin entre l’archange ou de gourou venu réconforter et rassembler les populations.Il arbore une pancarte en carton sur laquelle est inscrit « Câlins gratuits ». Tour à tour, les passants se précipitent sur lui pour l’embrasser. Des bises et des accolades à n’en plus finir distribuées par un public soigneusement casté composé de jeunes, de vieux, de blancs, de noirs, de tout ce qui fait la diversité de notre beau pays… sans oublier de jolies jeunes filles.


Mais il nous faut dépasser ce constat quelque peu simpliste et à charge, et tenter de comprendre le cheminement de l’artiste.

Loin d’une affirmation gratuite et démagogue, ce message n’est-il pas tout simplement et seulement un sage appel à l’humanisme? Ne révèle t’il pas un Renaud qui une fois de plus s’engage dans son époque, prend ses responsabilités, n’hésitant pas à se mettre en porte à faux avec son image et ses convictions de jeunesse?

La curée médiatique était prévisible et Renaud s’est certainement préparé à affronter les railleries. Pourtant il ne tremble pas et va au bout de la démarche, allant jusqu'à donner une interview exclusive au blog de la police nationale. Il y explique la genèse de la chanson inspirée par « l’air bonhomme et sympathique, voire attristés, qu’arboraient les centaines de policiers qui nous escortaient lors de la grande manif du 11 janvier 2015 suite aux attentats de Charlie Hebdo ».

Depuis toujours attaché comme un éternel enfant aux attributs vestimentaires, Renaud semble fier de porter au revers de son blouson la « pucelle », insigne de la police parisienne. Cela n’est pas sans rappeler, le cynisme en moins, un Gainsbourg désillusionné qui en 1979, provocateur, brandissait le drapeau tricolore devant son corps dénudé et plus tard paradait fièrement avec la légion d’honneur piquée sur le « revers »de la veste.

Personnellement, je préférais pour Renaud l’écusson arc-en-ciel de Greenpeace cousu sur la manche du blouson jean ou le keffieh palestinien enroulé autour du cou…

Mais ce n’est pas Renaud qui a renié ses précédents engagements et prises de position, même si en quarante ans l’homme et l’artiste ont évolué comme peut, doit le faire toute personne sensée.

Non, Renaud ne s’est pas complètement métamorphosé en un réactionnaire bon teint, c’est notre monde qui s’est enlaidi, durci, complexifié, appauvri en idéal.

Renaud lui continue à s’en faire le témoin avec talent et sincérité, « à faire vivre les mots sur la feuille et son blanc manteau » pour notre plus grand bonheur. Toujours juste, tendre, touchant, en quête d’engagements de plus en plus difficiles à trouver.

Merci l’artiste !
 Sophie P.... , auteur de Renaud, éternel enfant…, 2014, b.a-BA éditions.

Renaud